Démineur à 20 ans

Septembre 44, la Bataille de Normandie a laissé des champs de ruines et… de mines. Plages, bâtiments, routes, champs : 500 000 hectares sont dangereux. On manque de démineurs, on propose d’en former : Jean Cholet se porte volontaire. 

Réfractaire au STO, Jean Cholet vit en clandestin depuis huit mois lorsque passent dans sa ville les Français du Général Leclerc. L’envie est trop forte de s’engager pour aider à finir de libérer le territoire. Mais en arrivant avec son copain au bureau de recrutement, déception : la 2e DB est au complet ! Par contre, « on a besoin de démineurs ! Attention c’est dangereux, réfléchissez… Un petit tour dans Alençon, et une demi-heure après nous revenions signer. Nous pensions qu’en deux mois ce serait fini, que nous pourrions rejoindre les troupes combattantes. » Ils rejoignent la 1re Compagnie du 3e Bataillon du Génie de l'armée britannique : une majorité de Normands, d’ouvriers agricoles, 19 ans de moyenne environ. Ils découvrent Falaise, Caen en ruines.

Quinze jours de formation 

Après une nuit dans les greniers des abattoirs, ils sont transformés en Tommies « des leggings au casque plat » ! A la Mines School où les Royal Engineers font d’eux des démineurs. En une semaine de théorie et une autre sur le terrain, ils apprennent tout ce qu’ils doivent savoir sur les différentes mines allemandes : mines antichars en bois indétectables, Teller-mines ou S-Mines qui « bondissent » et projettent une pluie de métal... « J’avais toujours admiré les artificiers, mais mon premier contact avec les explosifs s’est assez mal terminé, je me suis gravement brûlé la main avec une fusée. »

« La sueur perle sous le casque ! » 

Tout juste démineur en 1944.
Le 3e Bataillon du Génie est basé à Houlgate. Les missions s’enchaînent sur les champs de mines. Chaque fois, les mêmes gestes : repérage avec mille précautions, en surveillant la « poêle à frire » et ses pieds ! Et des bouffées d’angoisse : « Certains jours, la sueur perle sous le casque plat. » Lorsqu’une mine est repérée, il faut poser un petit cône pour l’équipe suivante qui la retire et la fait sauter. Près d’une villa, des mines antichars doivent être enlevées : elles peuvent être piégées. « Je m’allonge sur le sol, avec une lame, je gratte la terre. Sous la mine, je découvre un allumeur attaché à un piquet. » Avant de couper le fil, il faut mettre une goupille dans un trou minuscule. A ce moment, une pierre roule au fond du trou. « Son bruit m’a paralysé. Je reprends mes esprits, j’enlève la mine, le piquet : comme il me semble beau ! D’autres sections ont déjà perdu trois des leurs. » Un autre jour, il faut vérifier qu’il n’y a pas de mines dans un champ sous les cadavres de vaches !


 Les prisonniers allemands aussi... 

Les démineurs ont payé le prix fort, comme les prisonniers allemands qui sont mis à contribution par les armées alliées pour effectuer les tâches dangereuses. En 11 mois, le 3e Bataillon a nettoyé 350 hectares, relevé 60 000 mines. Ces déminages ont provoqué 35 accidents, causant la mort de 15 sapeurs, dont 12 dans la compagnie de Jean Cholet.