Léon Gautier et les élèves de 1re L du lycée André Maurois à Deauville

Engagé dans la marine nationale puis dans le commando Kieffer, Léon Gautier a participé en première ligne au Débarquement puis à la Libération de la France.

Pour comprendre son patriotisme et sa volonté de servir son pays, il faut remonter à la prime enfance de Léon Gautier. Dans un milieu ouvrier de Rennes, celle-ci fut marquée par le souvenir douloureux de la Première Guerre mondiale. « Dans chaque maison, vous aviez sur le mur le portrait d’un ou deux disparus de la guerre 14-18 : un frère, un père, un petit-fils... On nous a appris à haïr l’Allemand. Et l’on se rendait compte des dommages qu’avait causés la guerre, que c’était une misère. On voyait des reportages sur la guerre d’Espagne. »

 
« J’ai appris la date du Débarquement avant le Général de Gaulle ! »

Impatient de partir à la guerre, comme la plupart de ses camarades, l’apprenti carrossier s’engage à 17 ans dans la marine nationale (l’armée de terre et l’aviation ne recrutaient à partir de 18 ans). Il prend part à ses premiers combats en 1940 en Normandie, puis sert en Afrique de l’Ouest et au Proche-Orient. En 1943, pour être certain de participer au Débarquement, il se porte volontaire dans le commando Kieffer en Angleterre. Sélectionné, il est soumis à un entraînement extrêmement exigeant, « à balles réelles », en Écosse. « Porter le béret vert de commando est une grande fierté en Angleterre, même pendant la guerre, à tel point que les officiers britanniques nous saluaient dans la rue. » Léon Gautier et ses camarades sont cantonnés près de Southampton à l’approche du Jour-J, lorsqu’ils comprennent qu’ils débarqueront à Ouistreham. « On était privilégiés parce que l’Armée Française Libre n’avait pas été mise au courant. J’ai appris la date du Débarquement avant le Général de Gaulle ! s’exclame-t-il. « Nous étions très heureux de débarquer en France les premiers ! On voulait libérer notre pays, qu’on avait pour la plupart d'entre nous quitté quatre ans plus tôt. On était impatients : on rentrait chez nous ! » Le commando débarque finalement en première ligne à Colleville sur Orne (Sword Beach) et libère Ouistreham. « On était tellement entraînés que, pour nous, c'était un jour d'entraînement. » Puis il se bat aux marges du pays d'Auge, dans le secteur d'Amfreville et de Bavent.

« On nous a complètement oubliés après la guerre. »

Léon Gautier en janvier 1944
En septembre 1944, Léon Gautier est rapatrié en Angleterre, et le mois suivant épouse sa fiancée anglaise. Mais aux lendemains qui chantent, suit l’épreuve du retour à la vie civile. Démobilisé en août 1945, il revient quelques temps en France, mais faute de logement, repart vivre outre-Manche. Le « libérateur » se heurte également à l’absence de reconnaissance de ses concitoyens et de l’administration au point d’éprouver des difficultés à toucher des bons de rationnement et d’habillement. « On nous a complètement oubliés après la guerre. La France nous a oubliés ! » regrette-t-il. La discipline de fer à laquelle il a été rompu porte l’ex-fusilier marin à l’agressivité. « J'ai eu beaucoup de mal à m’en remettre, à être aimable comme j’aurais dû l’être. Se remettre dans la vie normale a été très dur ». En 1992 Léon Gautier s'installe à Ouistreham, tout près des côtes où il avait débarqué le 6 juin 1944. Il rencontre Johannes Borner quelques années plus tard. C'est le début d'une grande et belle amitié entre les deux ennemis d'hier.