Charles Lebrun et les élèves du Lycée Robert de Mortain à Mortain


Toute une génération a vu l’insouciance de sa jeunesse balayée par quatre années d’occupation puis les destructions de la Bataille de Normandie. Il en fut ainsi pour Charles Lebrun à Mortain, apprenti coiffeur dans un salon où les murs avaient des oreilles.

Charles Lebrun est employé comme commis chez un coiffeur de la ville, auquel il succèdera après le conflit. Son patron, Monsieur René Ply, est d’ailleurs un des nombreux résistants du Sud-Manche : il a pour fonction d’envoyer des messages radio à Londres. Tout en coupant les cheveux aux occupants, il les questionne et informe ensuite son réseau. C’est ainsi qu’un jour, après une dénonciation anonyme, le jeune Charles a la surprise de voir la Gestapo faire irruption dans le salon de coiffure, à la recherche de matériel qui ne sera pas trouvé. Il découvrira après la guerre que la Résistance était bien implantée en ville, du secrétaire de mairie fabriquant de faux papiers au marchand de chaussures délivrant des messages à son réseau.

Plus long que prévu

Le 3 août, les premiers soldats américains ont pénétré dans Mortain.
© NARA/Le Mémorial de Caen.
L’été 1944 commence véritablement le 6 juin quand l’annonce du débarquement se diffuse en quelques heures et que l’aviation alliée redouble d’activité. Puis vient l’attente de la délivrance, la «guerre des haies» est plus longue que prévue. En juillet, Mortain voit passer de nombreux réfugiés fuyant les combats. De nombreux soldats allemands arrivent aussi pour se faire soigner à l’Abbaye Blanche transformée en hôpital, à la sortie de la ville. Cet afflux d’ennemis blessés est, chose cruelle, perçu comme une bonne nouvelle. Charles Lebrun, lui, a dû quitter le salon de coiffure en raison du décret pris le 1er juillet par le sous-préfet Panzani, collaborateur notoire, interdisant les commerçants d’employer du personnel. Malgré le Débarquement, Vichy sévit encore et certains ne manquent pas de faire du zèle. A la Libération, le sous-préfet fut condamné par contumace mais réussit à disparaître dans la nature.

Les bombardements des 5 et 6 août laissèrent la ville en ruines.
© Le Mémorial de Caen.
Une « taloche » à rendre

Le 3 août, l’entrée dans Mortain des premiers soldats américains provoque une explosion de joie au sein de la population. Mais la fête sera de courte durée. Dans la nuit du 5 au 6 août, Charles Lebrun est tenu éveillé par la contre-attaque allemande. La ville est bombardée et en grande partie détruite. Le lendemain, il pense se mettre à l’abri en partant chez des proches à Rancoudray, à l’est de Mortain. Mais c’est là que l’armée allemande a établi son quartier-général. Il se trouve alors réquisitionné pour creuser des tranchées devant le bâtiment, lui qui a échappé au STO à six mois près ! L’officier SS lui donne une «taloche» afin de le faire travailler plus vite, Charles Lebrun ne l’oubliera pas et demandera à faire son service militaire en Allemagne « pour aller la lui rendre ». Au bout de cinq jours, les Allemands quittent précipitamment la région, Charles Lebrun rentre à Mortain. Sur la route, il a la frayeur de croiser deux soldats allemands... qui n’en sont pas. Il s’agit de deux «Malgré-nous» hongrois qui cherchent à se faire arrêter par les Alliés. Quelques kilomètres plus loin, on entend du jazz. Plus de doute, la Bataille de Mortain est terminée. Reste alors à reconstruire la ville et rattraper le temps perdu.