Johannes Börner avec les élèves de 1re L du lycée André-Maurois de Deauville

Johannes Börner a subi l’embrigadement du régime nazi et a combattu dans l’enfer de la « poche de Falaise ». Mais une fois la guerre terminée, il a trouvé en Normandie la voie de sa propre émancipation.

« Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, on a été réveillés, soit disant parce que les Américains avaient commencé leur débarquement en Normandie. Alors, on a préparé nos affaires, et le soir du 6 juin, nous sommes partis ». Basée à Landerneau, l’unité d’élite à laquelle appartient Johannes Börner parcourt 350 kilomètres à pied pour aller combattre dans le bocage du Cotentin et défendre Saint-Lô. Cinq mois auparavant, le jeune allemand avait choisi d’être parachutiste pour échapper au front de l’Est. Après une formation extrêmement dure à Berlin, il a été affecté dans le Finistère, où l’entraînement était effectué à balles réelles.


Des Jeunesses hitlériennes à la « poche de Falaise »

Johannes Börner en janvier 1944
Le parcours de Johannes Börner, né à Leipzig, est celui de nombreux jeunes ayant grandi avec l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. « Avec Hitler, tout a changé en Allemagne. Pour notre jeunesse, pour tout. Les comportements et les mentalités sont bouleversés. Il faut désormais se saluer dans les lieux publics au cri de « Heil Hitler ! » La discipline et le sport occupent une très grande place à l’école, mais aussi dans les Jeunesses hitlériennes, où nombre d’activités consistent à « jouer » à la guerre et à identifier ses futurs ennemis. « On nous mettait en tête ce qu’il fallait penser des ‘’sous-races’’. Ils prônaient la haine. » À 17 ans, Johannes Börner rejoint le service de travail du Reich, obligatoire pour tous les jeunes, puis effectue son service militaire dans l’Armée de l’air, notamment à Blois où la discipline était très stricte. Il part ensuite en Autriche, près de Vienne, où il travaille comme mécanicien dans un grand aéroport. Johannes Börner connaîtra l’enfer de la poche de Falaise et l’encerclement de l’armée allemande. Il fera partie des dizaines de milliers de prisonniers capturés dans le « chaudron de l’enfer. » Pris au piège, affamé, Johannes et ses camarades errent pour trouver une issue : « On a essayé de sortir. C'était vraiment terrible ; il y avait déjà 10 000 morts en trois jours. On marchait sur des cadavres ! Je n'ai jamais pu oublier ça ». Finalement, des Canadiens le capturent le 21 août à 10h30 à Saint-Lambert-sur-Dives, événement qu’il interprète comme une véritable libération.

« On me traitait de ‘‘Boche’’ »

Prisonnier de guerre jusqu’en 1947, Johannes Börner décidera de rester en France : sa mère avait été tuée en février 1944, dans un bombardement à Leipzig, et son père lui avait décrit les conditions de vie très difficile imposées par les Russes aux Allemands. De plus, il fait la rencontre, quelques années plus tard, de la femme de sa vie, une Normande, et prend la nationalité française. Jusqu’au début des années 1960, l’ancien parachutiste éprouvera de la peine à se remettre de la guerre. « De temps en temps, on me traitait de ‘‘Boche’’. Bien sûr, je n’ai rien dit ; je préférais ne pas parler. J’avais un peu peur, quand même. » À bientôt 90 ans, Johannes coule aujourd’hui une retraite paisible à Ouistreham, où il fut longtemps restaurateur. Avec un message adressé aux jeunes générations : « La paix, la
 paix, la paix ! »