Claude André et les élèves du Lycée Augustin Fresnel à Caen


Refusant l’occupation allemande, Claude André, 18 ans en 1942, déserte l’armée française de Vichy pour regagner l’Angleterre et les Forces navales de la France Libre.

Claude André a 15 ans. Il vit chez ses parents, commerçants à Caen. Il a une sœur ainsi qu’un frère, engagé dans la Marine. « Tu es encore jeune, mais si tu te sens capable de te débrouiller, échappe-toi de la zone occupée. Je te donnerai un peu d’argent », lui répète sa mère. Elle-même avait déjà connu l’occupation, à Lille, lors de la guerre 14-18.
Un jour de 1942, le jeune Claude s’arrête sur une affiche devant la gendarmerie de Caen : Engagez-vous dans la Marine ! Le gouvernement de Vichy avait dû passer des accords avec les Allemands qui souhaitaient que soit entretenue la flotte française à Toulon, lorsqu’ils mettraient la main dessus. À l’époque, Claude voit dans cet appel l’occasion de se rendre en Zone libre. Ses parents lui signent l’autorisation de partir. Dans le cadre de sa formation, il embarque pour l’Afrique du Nord. « Au large de l’Algérie, voilà qu’on subit des bombardements. On a rejoint le port de Bougie. Il y avait des cadavres sur les quais. On a appris que les bombardements étaient ceux des Allemands en riposte aux bombardements des Américains en Afrique du Nord. »

Une occasion inouïe

L’escale algérienne perdure. Claude André est envoyé en mission pour servir l’amirauté d’Alger. Il n’a qu’une obsession : « si je pouvais rejoindre l’Angleterre… » En se promenant un après-midi sur le port, il aperçoit un navire au drapeau français sur lequel figure la croix de la France libre. Le jeune marin tente sa chance. Il interpelle un de ses passagers :
- « Je peux monter pour discuter ?
- Oui, pas de problème. Viens dans le poste d’équipage. Il y a les copains. On va prendre un pot.
- Vous êtes venus apporter des renforts de troupes ? Vous repartez quand ?
- Demain, dans la matinée. On retourne en Angleterre.
Claude respire quelques secondes, puis, tout timidement : 
- Y a pas moyen de partir avec vous ?
- Pas de problème. Tu restes à bord. Tu ne rentres pas, on va te planquer !
»

Une véritable tour de Babel

Eté 1943, escale à Saint-Pierre et Miquelon
en attente d’un convoi de ravitaillement à destination
de la Grande-Bretagne (Claude André debout au fond).
Claude André devient à ce moment-là déserteur. Sans qu’il en ait réellement conscience, il figure ainsi sur la liste des condamnés à mort.
Arrivé en Angleterre, l’équipage est transporté jusqu’à Londres, dans une école où sont accueillis Polonais, Norvégiens, Hollandais, Belges, Grecs refusant l’occupation allemande.
Fin 1942, début 1943, Claude est dirigé vers Portsmouth où il suit une formation d’ASDIC : Anti Submarine Detection Investigation Committee (détection des sousmarins). Son rôle : assurer la protection des convois à bord de corvettes équipées de sondes. Après ce stage, l’aventure prend un nouveau et grand tournant. « J’embarque sur La Lobelia. À mon premier convoi, j’ai été malade comme un chien. La journée, on était à peu près tranquilles, mais en alerte toutes les nuits, où il arrivait qu’on subisse des attaques incessantes. »

Les petites Ecossaises

L’équipage bénéficie toutefois de quelques périodes de répit, notamment en escale à Saint-Pierre et Miquelon, ou encore en Écosse. « Les gars s’engouffraient dans les pubs. Moi, comme j’étais soi-disant bon danseur, j’allais chercher les Écossaisses, » sourit-il.
Pendant tout ce temps, Claude n’a aucune nouvelle de sa famille. Il ne revient à Caen qu’après la Libération. La ville n’est plus qu’une ruine : « C’était lugubre, impressionnant. » Sa mère a déménagé son commerce sur la côte, à Saint-Aubin sur Mer. « Je ne croyais jamais te revoir », lui confie-t-elle lors de leurs retrouvailles. Elle lui apprend que son père et son frère sont quant à eux portés disparus depuis le 6 juin, en fait ils sont morts dans les bombardements. « J’ai bien fait de te conseiller de partir » lui dit-elle.