Maurice Cousin et les élèves du LEGTA Le Robillard, à Saint-Pierre sur Dives


Âgé de 100 ans, Maurice Cousin a témoigné pour la première fois de sa condition de prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale. Cinq ans d’un « séjour au bagne » qui auront gâché sa jeunesse et à jamais marqué sa vie.



De retour le 1er juin 1945 au Bourget, déstabilisé par l’accueil froid des autorités, Maurice Cousin sort alors de cinq longues années de captivité. Ce pupille de la Nation, élevé par ses grands-parents après la mort de son père sur le front de la guerre 14-18, trois mois après sa naissance, avait été mobilisé en 1939 alors qu’il travaille à l’usine Renault de Forges les Eaux. « Forcément ça m’a touché. On ne peut pas aller à la guerre sans se demander ce qu’on va devenir, mais disons que j’avais un bon moral. »
Maurice Cousin fait partie du 6e GRCA (Groupe de reconnaissance de corps armée) qui croise la route des chars allemands, le 29 mai 1940, lors du repli sur Dunkerque. Le vieil homme se souvient parfaitement de cet épisode : les tirs allemands, le camion qui brûle, les soldats couchés dans le fossé, la mort d’un soldat anglais, la mitrailleuse les menaçant alors qu’ils sont alignés contre un mur.

« Ils nous avaient dit qu’on allait travailler 15 jours en Allemagne... »

Maurice Cousin dans un camp de travail à Alland.
Ainsi débute le périple des prisonniers, qui vont parcourir des dizaines de kilomètres à pied entre Watou, en Belgique, et Aix la Chapelle, en Allemagne. « Ils nous avaient dit qu’on allait travailler 15 jours, trois semaines en Allemagne. On a gobé ça, évidemment. Mais ça a duré cinq ans ». Puis ils sont embarqués dans un wagon à bestiaux. « À soixante comme des sardines, sans moyen de s'asseoir. On ne savait pas où on allait. Il y avait un hublot avec des barbelés. Ça commençait, les barbelés... »
Au bout de ce voyage : le Stalag XVII A, à Kaisersteinbruch en Autriche, où Maurice Cousin reçoit le matricule 61 225.
Pendant les cinq années de détention, il est affecté sur différents chantiers comme la construction de l’autoroute Vienne Berlin : « On creusait dans la montagne. » Surtout, lui et ses camarades souffrent du manque de liberté et de la faim : « Les patates non épluchées à l’eau terreuse » pour tout repas. Il perdra 20 kilos durant sa détention.
L’image des prisonniers russes décimés par le typhus ravive chez lui une profonde émotion. Ces souffrances le poussent à une tentative d’évasion, qui échoue et lui vaut une semaine de cachot. Puis, quelques temps plus tard, il apprend l’arrivée des forces alliées sur la côte normande : « On avait construit un poste à galène. On a pu entendre le jour où le Débarquement a eu lieu. Ce n’était pas très audible, mais on avait bien compris quand même. » Le calvaire de sa détention s'achèvera au printemps 1945.

Un couteau et une feuille de notes

Pourtant, les horreurs ne sont pas terminées. « Après l’armistice nous étions libres, sans commandement, c’était la grosse pagaille. » La vision des Russes, libérateurs de Vienne, saccageant la ville et violant les femmes l’a profondément marqué : « C'était affreux, affreux ! » Maurice Cousin retrouve ainsi sa liberté, mais aussi sa moto qui l’attendait depuis septembre 1939. De retour chez son oncle et sa tante dans le pays de Bray, il s’installa ensuite dans le Calvados, où le père d’un ami de captivité l’embaucha comme mécanicien dans sa société de transport.
Du Stalag, il n’a gardé qu’un couteau fabriqué sur place et transmis à son fils, ainsi qu’une feuille de papier sur laquelle il avait noté les noms des villes traversées et des camarades de détention. Pourquoi ces notes ? « Pour ne pas que ça vous arrive à vous ! Et aussi pour montrer ce qu’un individu peut supporter. Ce n’est pas humain. Pas du tout ! »