Ole Midtveit avec les élèves du Lycée Alain-Chartier de Bayeux et du Lycée de Voss


En rejoignant les troupes alliées en Angleterre à l’âge de 16 ans, Ole Midtveit échappa, quelques mois plus tard au massacre de son village de Telavåg, l’Oradour Norvégien.

Ole Midtveit vient juste de finir l’école lorsqu’il décide de quitter sa famille pour fuir l’occupation allemande et aider l’Angleterre en guerre. Il vit au bon endroit. De Telavåg, son village natal situé sur la côte sud-ouest, partent en effet de nombreux navires clandestins chargés de futurs soldats qui participeront au Débarquement allié. Mais le D-Day est encore bien loin, quand, le 21 juillet 1941, Ole Midtveit embarque vers minuit avec trois camarades. Parmi eux, Magnus Telle, le seul autre survivant de la cinquantaine d’habitants de Telavåg qui ont rejoint l’Angleterre quand il était encore temps…. En fait, ce départ est plutôt improvisé. « Je ne devais pas traverser la Mer du nord, mais j'étais le seul qui connaissait le moteur du bateau. C'est pour cela qu'ils m’ont emmené. Pareil pour Magnus, il devait simplement préparer le bateau, mais finalement il est resté à bord. » La vie se joue parfois sur un coup de dés.

« Un peu miraculeux »

Ole Midtveit (à droite) et son frère Gerhard peu après la guerre
en pleine période de reconstruction de Telavag.
A l’approche des côtes, un avion britannique les survole. Pour éviter toute fâcheuse méprise, Ole Midtveit et ses camarades hissent aussitôt le pavillon norvégien. Ils passent par les Iles Shetland, rallient l’Ecosse après quelques péripéties qui auraient pu leur coûter la vie. « Ce fut un peu miraculeux que nous soyons arrivés sains et saufs. Essuyant une terrible tempête, nous avions pris un raccourci qui, à l’approche du rivage, s’est révélé être un véritable champ de mines. Heureusement, la coque de notre bateau n’était pas trop profonde car si nous avions touché le fond, nous serions montés directement au ciel. »

« Le Coin de l’Enfer »

Après un détour par l’hôpital de Londres pour soigner une infection dentaire et des retrouvailles surprise avec l’un de ses frères émigré après lui, le jeune Norvégien s’engage dans l’armée de l’air. « Nous avons enfilé notre uniforme tout de suite. Il fallait que nous fassions quelque chose car ils avaient besoin de nous là-bas. » Ole Midtveit répare les avions, contrôle le matériel au retour des pilotes, démonte les bombes inutilisées et quand il n'est pas en service, profite de ses temps libres. Mais au printemps 1942, une onde de choc bouleverse sa routine londonienne. « Sur la radio suédoise, j’ai entendu parler de la tragédie de Telavåg qui avait eu lieu le 30 avril. » Ayant appris que le village cache deux figures importantes de la Résistance, la Gestapo a décidé une intervention au cours de laquelle sont tués deux de ses officiers. Les représailles tournent au massacre. Pendant qu’on rase le village, tous les hommes présents sont exécutés ou déportés en camp de concentration. Ole Midtveit apprend que deux de ses frères aînés ont fait partie du convoi. Il ne les reverra jamais.
Mais cela, Ole Midtveit ne le sait pas encore quand surgit l’annonce du Débarquement. Lui ne quittera l’Angleterre que quelques jours plus tard pour débarquer « à un endroit qu’on a appelé le "Coin de l'Enfer", Villons les Buissons parce que les Allemands avaient tué tout le monde. Mais c’est retombé sur eux, car quand les Alliés l’ont découvert, ils ont égorgés tous ceux qu’ils ont capturés. » Les premières semaines sont rudes. Ils vivent entourés de cadavres. La dysenterie fait des ravages et les ravitaillements en nourriture se font rares.
Avec son unité, le jeune homme prend la direction du nord. Ils sont les premiers à entrer dans Lille où ils demeurent quelques semaines, puis poussent jusqu’à Bruxelles. Ole Midtveit rentre en Norvège le 17mai 1945. « Pendant la guerre, nous avons fait ce que l’on devait faire. Puis nous sommes rentrés à la maison pour rebâtir notre village », lâche celui qui a ensuite repris sa vie de pêcheur en s’efforçant d’oublier les terribles images de la guerre. Plus de soixante-dix ans après la haine, il se réjouit qu’un Allemand habite Telavåg.