Claude Doktor et les élèves de 1re du lycée Dumont d'Urville de Caen


Claude Doktor a sept ans lorsque son père est arrêté puis déporté à Auschwitz en tant que Juif. Il n'apprend sa déportation et sa mort qu'à la libération des camps. Devenu médecin, il s'efforce de vivre sans père et sans rancune pour le peuple allemand. 

" On ne peut pas faire son deuil d'une chose comme celle-là. A qui pardonner ? A Hitler, aux Français de Vichy, aux bourreaux qui ne sont plus là ? Je ne suis pas capable de pardonner. » En 1945, la libération des camps signe la fin de la guerre pour Claude Doktor. Il a dix ans et son père est absent depuis quatre ans. Il apprend qu'il ne reviendra jamais.

Un simple contrôle

En 1939, la famille, originaire de l'Orne, s'installe à Caen. Sa mère est postière, son père fonctionnaire au contrôle des impôts. D'origine juive mais convertis au catholicisme, ils se sont mariés à l'église en 1934. Claude est leur fils unique. Confiant envers l'administration française, son père, Jean-Isaac, déclare une première fois son statut de « Juif » en 1940, après sa démobilisation. Un an plus tard, il est privé de la Croix de guerre qu'il a obtenue comme « héros de Verdun » et doit quitter la fonction publique. La même année, loyal et respectueux des lois, il se déclare à nouveau Juif. En 1942, après le sabotage d'un train de permissionnaires allemands à Airan, son nom figure sur une liste d'une centaine « d'ennemis communistes et juifs ». Il est arrêté puis remis aux autorités allemandes qui l'incarcèrent à Compiègne avant de le déporter à Auschwitz, dans le convoi du 6 juillet 1942. Il décède le 28 juillet suivant, lors d'une tentative d'évasion. « J'ai ignoré tout ça jusqu'en 1945, témoigne Claude Doktor. J'avais sept ans et pour ne pas m'inquiéter, ma mère m'avait dit qu'il s'agissait d'un simple contrôle. »

Photos de son enfance avec sa mère.
 « Sale Juif » 

Sous l'occupation allemande à Caen, la mère et son fils unique bénéficient de la solidarité des voisins et de la famille restée dans l'Orne. « Mon quotidien était simple. J'allais à l'école à pied, je mangeais à ma faim. Les Caennais ne montraient pas d'animosité particulière vis-à-vis des Juifs. Mais les affiches de propagande antisémite, qui affirmaient que les Juifs étaient avares et riches, finissaient par influencer l'opinion. En dehors de l'école, les familles ne se fréquentaient pas. » S'il n'a pas le souvenir d'avoir porté l'étoile jaune, Claude Doktor n'oubliera jamais en revanche la seule fois où il a été traité de « sale Juif ». « C'était un gamin du quartier qui a joué avec moi pendant un long moment avant de m'insulter et de rentrer chez lui. Il répétait ce qu'il entendait à la maison. »

Les Allemands d’aujourd’hui ne sont pas responsables. 

Claude Doktor ne se considérait pas comme juif ou étranger. Il était de religion catholique et de nationalité française. Il n'a jamais accepté que les Français se plient aux lois antisémites ni que l'Etat français retire à un citoyen et patriote sa décoration militaire et son statut de fonctionnaire, sous prétexte qu'il était juif, « de trois grands-parents et un conjoint ». Après la guerre, Claude s'est rendu à Auschwitz pour rendre hommage à son père et tenter d'effacer sa rancoeur. « Les Allemands d'aujourd'hui ne sont pas responsables des actes de leurs parents et grands-parents. » Sans pardonner « ce qui a détruit toute une humanité et ma famille », Claude Doktor veut croire en " la réconciliation des peuples. »