Clive Kemp et les élèves du Lycée Agricole de Coutances et de Hautlieu School à Jersey


En 1940, Clive Kemp ment sur son âge pour s’engager sous les drapeaux britanniques. Débarqué à Sword, le jeune gazier de l’île de Jersey participera notamment à l’opération du Pegasus Bridge.

Quand avez-vous appris les plans du Jour-J ?
Avant de monter sur le bateau nous ne savions rien. En fait, je crois qu’ils ont attendu d’être à la moitié de la traversée pour nous informer. Nous étions tous regroupés quand on nous a réellement expliqué notre mission ; nous devions franchir un pont très stratégique. Nous étions sur la plage la plus proche des routes menant à Paris. Les Anglais devaient arriver jusqu’à ce pont pour permettre d’ouvrir l’accès aux suivants.

Que vous rappelez-vous de la traversée dans ces barges ?
La traversée était très agitée. En fait nous sommes partis un jour à l’avance à cause du temps. Je crois que tous ces hommes n’avaient jamais pris le bateau avant. Ils vivaient pour la plupart dans le Nord de l’Angleterre, et peut-être que certains d’entre eux avaient eu l’occasion d’aller sur un bateau mouche sur le lac, mais c’est à peu près tout. Tout le monde avait le mal de mer, vous pouvez imaginer l’odeur ! Les toilettes étaient en fait le fond du bateau, et cela nous arrivait jusqu’aux chevilles... Personnellement, je suis un bon marin et je n’étais pas bien, mais je n’ai pas été malade. Je transpirais de peur et de fatigue

Comment s’est passé le débarquement sur la plage ?
Quand nous avons débarqué ; la rampe du bateau s’est posée et moi, jeune et vraiment stupide, je voulais être le premier à sortir. J’étais devant, j’ai sauté sur la rampe et j’avais de l’eau jusqu’à la taille. L’eau était froide et je transpirais de peur et de fatigue. Un officier a crié bêtement, « cours Kemp, cours ! » Je l’ai insulté et j’ai continué à marcher… J’arrive sur la plage, et par chance, je n’ai pas été touché. En fait, je n’ai vu personne être touché par quoi que ce soit.

Clive Kemp juste avant le Débarquement.
Quelle était votre mission ?
Notre mission était de regarder droit devant : ne pas s’arrêter, mais continuer. Donc, si mon copain à côté de moi était touché, je ne devais pas regarder mais continuer. Mes yeux étaient rivés sur cette plage. Je me rappelle voir des flammes sortant d’une petite arme calibrée à partir d’une fenêtre, dans une maison. Je suis enfin arrivé sur la plage, et comme j’étais un bon coureur, je me suis focalisé sur cette fenêtre. J’ai dû tirer environ trente balles, mais je ne sais pas si j’ai touché quelqu’un et je ne voulais pas savoir. Les ordres étaient de sortir de la plage le plus vite possible et de foncer vers Pegasus Bridge. Tout passait par ce petit pont

Que deviez-vous faire à Pegasus Bridge ?
Pegasus Bridge était un endroit si important qu’ils avaient envoyé l’Airborne pour s’assurer de le libérer en premier et de le laisser intact. Il a été en fait libéré à minuit entre le 5 et le 6 juin par d’autres troupes. S’il avait été bombardé ou s’il avait explosé, notre mission aurait consisté à construire très rapidement un pont artificiel à cet endroit précis. Tout passait par ce pont vers la France, mais rien ne pouvait passer dans l’autre sens. Du coup, nous avons construit un autre pont, environ à 500 m en amont. Nous y sommes restés environ six semaines. Les Allemands avaient des tanks tellement puissants qu’ils nous bombardaient de tous les côtés ; nous avions du mal à avancer. Le bruit était comme une nuit de feux d’artifice, mais mille fois plus puissant. Les Allemands bombardaient nos bateaux qui étaient positionnés dans la baie, et nos bateaux les bombardaient pour se défendre. Et nous, nous étions au milieu. Mais on a tenu la position.