Léon Gautier et les élèves du Lycée André Maurois de Deauville


Engagé dans la marine nationale puis dans le commando Kieffer, Léon Gautier a participé en première ligne au Débarquement puis à la Libération de la France.



Pour comprendre son patriotisme et sa volonté de servir son pays, il faut remonter à la prime enfance de Léon Gautier. Dans un milieu ouvrier de Rennes, celle-ci fut marquée par le souvenir douloureux de la Première Guerre mondiale. « Dans chaque maison, vous aviez sur le mur le portrait d’un ou deux disparus de la guerre 14-18 : un frère, un père, un petit-fils... On nous a appris à haïr l’Allemand. Et l’on se rendait compte des dommages qu’avait causés la guerre, que c’était une misère. On voyait des reportages sur la guerre d’Espagne. »

« J’ai appris la date du Débarquement avant le Général de Gaulle ! »

Léon Gautier en janvier 1944.
Impatient de partir à la guerre, comme la plupart de ses camarades, l’apprenti carrossier s’engage à 17 ans dans la marine nationale (l’armée de terre et l’aviation ne recrutaient à partir de 18 ans). Il prend part à ses premiers combats en 1940 en Normandie, puis sert en Afrique de l’Ouest et au Proche-Orient. En 1943, pour être certain de participer au Débarquement, il se porte volontaire dans le commando Kieffer en Angleterre.
Sélectionné, il est soumis à un entraînement extrêmement exigeant, « à balles réelles », en Écosse. « Porter le béret vert de commando est une grande fierté en Angleterre, même pendant la guerre, à tel point que les officiers britanniques nous saluaient dans la rue. »
Léon Gautier et ses camarades sont cantonnés près de Southampton à l’approche du Jour-J, lorsqu’ils comprennent qu’ils débarqueront à Ouistreham. « On était privilégiés parce que l’Armée Française Libre n’avait pas été mise au courant. J’ai appris la date du Débarquement avant le Général de Gaulle ! s’exclame-t-il. « Nous étions très heureux de débarquer en France les premiers ! On voulait libérer notre pays, qu’on avait pour la plupart d'entre nous quitté quatre ans plus tôt. On était impatients : on rentrait chez nous ! »
Le commando débarque finalement en première ligne à Colleville sur Orne (Sword Beach) et libère Ouistreham. « On était tellement entraînés que, pour nous, c'était un jour d'entraînement. » Puis il se bat aux marges du pays d'Auge, dans le secteur d'Amfreville et de Bavent.

« On nous a complètement oubliés après la guerre. »

En septembre 1944, Léon Gautier est rapatrié en Angleterre, et le mois suivant, épouse sa fiancée anglaise. Mais aux lendemains qui chantent, suit l’épreuve du retour à la vie civile. Démobilisé en août 1945, il revient quelques temps en France, mais faute de logement, repart vivre outre-Manche. Le « libérateur » se heurte également l’absence de reconnaissance de ses concitoyens et de l’administration au point d’éprouver des difficultés à toucher des bons de rationnement et d’habillement. « On nous a complètement oubliés après la guerre. La France nous a oubliés ! » regrette-t-il.
La discipline de fer à laquelle il a été rompu porte l’ex-fusilier marin à l’agressivité. « J'ai eu beaucoup de mal à m’en remettre, à être aimable comme j’aurais dû l’être. Se remettre dans la vie normale a été très dur ». En 1992 Léon Gautier s'installe à Ouistreham, tout près des côtes où il avait débarqué le 6 juin 1944. Il rencontre Johannes Borner quelques années plus tard. C'est le début d'une grande et belle amitié entre les deux ennemis d'hier.