Raymond Geddes et les élèves du Lycée Sivard de Beaulieu de Carentan


Raymond Geddes a été l’une des premières recrues du 501st Parachute Infantry Regiment en 1942. Dans la nuit du 6 juin, il saute sur le secteur d’Utah.

Raymond Geddes en 1944.
« Nous avons reçu notre ordre de mission le 3 juin et le 5, nous embarquions. J'ai eu un mal de chien à grimper dans l’avion, chargé de deux parachutes, grenades, cartouchière de munitions, ma radio SCR536, un fusil M-1, dans mon sac à dos, gourde, masque à gaz, pochettes de première urgence, pelle, baïonnette…
Nous avons décollé d’Angleterre, à 23h30. Après deux heures de vol vers la France, nous avons été secoués dans tous les sens, et avons vu un des avions de notre groupe exploser en une boule de feu ! Notre avion, lui, a piqué du nez. 55 ans plus tard, j'ai appris que le pilote nous avait sauvé la vie, en plongeant pour éviter le feu des canons anti-aériens.
Ensuite, nous avons sauté. Le choc de l'ouverture du parachute a été terrible. Une fois au sol, mon harnais était si serré que je ne pouvais pas me libérer. J’ai coupé les liens avec mon canif et vérifié ma montre d'opérateur radio. Elle s'était arrêtée, à cause du choc, sur 1h25 du matin… J'ai toujours cette montre. J’ai assemblé mon M-1 et je suis parti. J'ai réalisé plus tard que nous avions atterri exactement là où nous devions nous poser, près de Hiesville, dans la Manche. Il y avait du bruit dans toutes les directions, des avions au-dessus de ma tête, et des tirs au sol. J'étais complètement seul.
J’ai finalement retrouvé les soldats de ma compagnie et nous sommes partis vers Utah Beach. À une intersection, un sniper a tiré. Un infirmier de notre compagnie, Eddie Hohl, s'est précipité au secours du major qui était tombé. Le sniper l'a descendu aussi. Hohl n'a pas proféré un son, il s'est juste écroulé. Aujourd'hui encore, cela me rend furieux.

Une image gravée à jamais dans ma mémoire…

Nous avons atteint Pouppeville, où nous nous sommes battus contre la garnison allemande. Puis d’autres soldats américains sont arrivés sur la route. Il s’agissait de la compagnie G du 501e PIR, la première unité aéroportée à faire la jonction avec la 4e Division d’Infanterie, qui arrivait de la plage. Et j'étais là. C'est mon unique revendication face à l'histoire. Plus tard, nous sommes partis pour Hiesville.
Pendant cette marche, j’ai vu un parachutiste étendu face contre terre, au bord de la route, une balle dans la nuque. Il portait des bottes de saut flambant neuves. Après toutes ces années, cette image est gravée dans ma mémoire, alors que le reste du Jour J s’est effacé.

Blessé par un éclat d’obus

Le 8 juin a été mon dernier jour au combat. Notre bataillon participait à l’attaque sur Saint-Côme-du-Mont, lorsqu’à l’intersection aujourd’hui baptisée "Dead Man's corner", j’ai été blessé à l’oeil gauche par un obus. J'ai eu la sensation qu'on m'avait giflé. Il n'y avait pas d'infirmiers américains à proximité, alors je suis entré dans un bâtiment allemand, sur lequel était peinte une grande croix rouge. Un médecin allemand m’a examiné et soigné. À ma grande surprise, quelqu'un m'a parlé en anglais, un médecin du 6e Régiment de parachutistes. Je l'ai félicité sur son excellent anglais. « Je n'ai pas de mérite, j'ai eu mon doctorat de médecine en Angleterre », m’a-t-il dit.
Je suis parti avec sa casquette, qu’il avait oubliée et que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui. Pendant toutes ces années, j’ai essayé de retrouver le nom de ce docteur. Je crois qu'il s'appelait Karl Heinz Roos.
J’ai ensuite été rapatrié en Angleterre, où j’ai été opéré à l'oeil. Quelques semaines plus tard, je suis rentré chez moi. J’ai pu prendre le train, jusqu’à Baltimore, avec les dix dollars que j'avais cachés dans ma crosse de fusil avant le Jour J. Malgré tout cela, la guerre m’a laissé un de mes meilleurs souvenirs, car c’est là que j’ai rencontré ma femme, qui travaillait comme opératrice pour la Western Union Radio. »