David Mylchreest et les élèves du Lycée Louis Liard Dde Falaise


Le 25 août 1944, David Mylchreest est le premier officier allié à franchir la Seine. Trois ans après avoir été chassé de son lycée pour avoir voulu s’engager…

Qui eût cru que son peu d’appétence pour la grammaire allait bouleverser la vie de David Mylchreest !
1941 : le jeune David, alors âgé de 17 ans, rêve de servir son pays au lieu de rester sur les bancs d’école à traduire des versions grecques ou latines. « Nous étions nombreux à être atterrés par la débâcle de 1940. L’Europe était sous la domination d’un homme diabolique et il n’y avait qu’une seule chose à faire : la libérer. » Alors il profite d’une permission de sortie délivrée pour l’achat d’un livre de grammaire pour filer à la caserne locale s’engager. Il revient prévenir le directeur : « Il a aussitôt téléphoné à mon père pour lui dire que j’étais un menteur puisque j’avais déclaré avoir 18 ans et lui a proposé d’appeler la caserne pour faire annuler mon engagement. Mon père lui a juste répondu : « Félicitez mon fils, s’il vous plait. » Et il a raccroché. Le directeur m’a alors donné une demi-heure pour quitter l’école. Je n’ai pas été autorisé à dire au revoir à mes camarades et je suis parti dans le déshonneur. »

« Le libérateur de Vernon »

David Mylchreest en 1944.
Trois ans plus tard, il débarque le 12 juin à Arromanches. Beaucoup d’officiers britanniques sont tombés depuis le D-Day. Le jeune lieutenant du régiment du Devonshire intégré à la 43eWessex Division est de ceux appelés à prendre la relève. Ses premiers contacts avec l’armée allemande ont lieu à Maltot, au sud de Caen. Les 9 et 10 juillet, il participe à la prise de la cote 112. En perdant plus de 500 hommes, son régiment paie un lourd tribut à cette victoire stratégique. Puis, c’est le Mont Pinçon repris aux Allemands le 7 août à la suite de quoi, son régiment participe à l’encerclement de la poche de Falaise-Chambois. Au terme de terribles combats, la déroute allemande ouvre la voie de Paris. Mais les Alliés redoutent une contre offensive et Montgomery donne l’ordre à la 43eWessex Division et ses 23 000 véhicules de foncer sur Vernon afin de reconstruire un pont sur la Seine. Le 25 août, David Mylchreest est le premier officier à mettre un pied sur l’autre rive du fleuve et à entrer dans Vernon libéré : « Tout le monde m’appelle le libérateur de Vernon, glisse-t-il avec humour. J’avais aussi le général Montgomery pour m’aider bien sûr ! Seulement, il n’était pas là, alors que moi, j’y étais ! » Puis il raconte le « désastre d’Arnhem » où la 6e Division aéroportée sera décimée. « On avait été envoyés en renfort, mais on n’a rien pu faire. » Lui sera blessé à trois kilomètres de la ville et rapatrié en Angleterre.

« On n’oublie jamais qu’on a tué des gens. »

Ses pires souvenirs de guerre, David Mylchreest dit préférer les oublier tout en avouant qu’il peine à effacer de sa mémoire des images douloureuses. « Je crois qu’on n’oublie jamais, vraiment jamais, qu’on a tué des gens ». Il y a quelques années, un élève lui a demandé s’il savait combien. L’ancien soldat avait alors répondu avec pudeur qu’il préférait « penser aux combattants allemands qu’il n’avait pas tués. »
Mais quand on lui demande son meilleur souvenir, la réponse jaillit avec émotion, comme s’il l’avait gardé au bord des lèvres : « Un jour, nous avons libéré une ferme. La plupart du bétail avait été tué, les chevaux étaient morts, les bâtiments étaient en feu… Malgré tout, le fermier nous a proposé un verre de Calvados. Il avait tout perdu, mais il tenait à remercier les soldats qui l’avaient libéré. Sa libération était à ses yeux la chose la plus importante au monde. Ce fut un grand honneur d’accepter ce verre. » C’est peu dire que David Mylchreest a pris goût à la Normandie où il s’est s’installé définitivement en 1974, trente ans après avoir contribué si activement à sa libération. « C’est sans doute pourquoi je m’y sens comme chez moi et que j’ai décidé de finir ma vie ici. »