" Mes anges gardiens m'ont protégé "

En 1941, Louis Bernet s’engage dans l’aéronavale néerlandaise pour servir son pays. Le 6 juin, à bord de son Fokker, il participe au Débarquement allié avec le 320e Escadron néerlandais

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager ?

Aux débuts de la guerre, l'armée de l’air néerlandaise était anéantie. Les Allemands avaient pris tout le matériel. Quelques personnes ont alors pu rejoindre l’Angleterre. Comme ils recherchaient des pilotes d'avion, je suis parti à mon tour. C’est un choix personnel. Étant juif, j'avais le sentiment que je devais faire quelque chose là-bas, car ici, en Hollande, nous avions la liberté de croyance. C’était aussi un moyen de découvrir le monde.

Une fois dans l’armée, qu’avez-vous fait ?

Ma formation de pilote de bombardier s’est déroulée aux Etats- Unis (San Pedro) puis au Canada (Halifax) et s’est terminée en Grande-Bretagne. C’est à ce moment que le 320e Escadron néerlandais (320e Dutch Squadron) a été constitué au sein de la Royal Air Force avec seulement 23 pilotes. Au début, nous avons surtout bombardé les convois allemands de ravitaillement circulant en mer du Nord.

Une « invasion de la France »

Où étiez-vous le 6 juin 1944 ?


Le 6 juin 1944, lors du Débarquement, mon escadrille a participé aux bombardements en secteur britannique (Gold et Sword ndlr). Nous savions que c’était une invasion de la France. Ce jour-là, notre mission était de détruire les bunkers. Pendant l’été, nous avons aussi bombardé les Allemands dans la poche de Falaise. Puis, notre escadrille a procédé aux bombardements aériens de l’opération Market Garden en septembre 1944. Il s’agissait de faciliter la prise des ponts franchissant le Rhin à
Arnhem, aux Pays-Bas, occupés par les Allemands.

Quels étaient vos objectifs ?


Le 320e escadron néerlandais rattaché à la Royal Air Force a surtout bombardé et détruit des objectifs
militaires (convois de navires et de sous-marins, bunkers, ponts, routes, casernes...). Nous n’avons jamais bombardé de villes par contre nous visions les casernes de SS comme celle de Boulogne-sur-
Mer, où nous savions qu’il y avait 800 hommes. C’était le soir, j’ai beaucoup aimé ça, les SS étaient des gens terribles.

Quels étaient vos sentiments quand vous partiez en opération ?


Nous respections le plan de vol et les objectifs de la mission. Nous avions peur, mais on n’y songeait pas. C’est drôle, mais nous n’y pensions pas, nous faisions juste notre boulot. J’ai eu beaucoup de chance. Car sur toutes les opérations auxquelles j’ai participé (95 opérations au total, ndlr), mon appareil n’a été touché que très légèrement. Un ami dont l’avion avait été atteint est tombé aux mains des Allemands (la Gestapo). Mes anges gardiens m’ont protégé.
 
Nous devions être plus précis.
Louis Bernet (au centre) lors de la remise de la Viegkruis par le Prince Bernhard des Pays-Bas ( août 1944)

En quoi votre technique d’attaque était-elle différente de celle des Américains ?


Nous bombardions nos cibles en piqué alors que les bombardiers de l’armée américaine lâchaient leurs bombes au-dessus des nuages, sans voir leurs objectifs. Ils pouvaient opérer comme ça car ils étaient nombreux : cinquante bombardiers contre seulement huit pour nous. Avec un tapis de bombes,
ils étaient presque certains de toucher sans voir la cible. Nous devions être plus précis pour toucher au but.


Et aujourd’hui, que retenez-vous de cette période ?


Je déteste la guerre, j’ai fait de mon mieux, mais c’était dur. Je ne sais pas ce que je ferais s’il y
avait une guerre aujourd’hui, ici. Je ne pense pas que je m’engagerais. Nous devrions oeuvrer en paix. Le problème, c’est qu’il y a trop de haine. Je dis souvent aux jeunes : résolvez les problèmes en prenant tous les partis en compte.