Elzéard Bouffard et la classe BTS2 Tourisme du lycée André Maurois de Deauville

Quelques semaines avant de décéder, Elzéard Bouffard a confié sa douloureuse mémoire à des lycéens deauvillais venus à sa rencontre au Canada. Lui n’avait jamais souhaité refaire le chemin jusqu’en Normandie. Débarqué le 10 juillet, il y avait trop fréquenté la mort.

« Septembre 1939, le Canada déclare la guerre à l’Allemagne. Je décide avec mon frère Auguste de m’engager volontairement dans l’armée canadienne en 1941. J’ai 19 ans. Nous travaillons dans une
entreprise de fabrication de pâte à papier. Le pays étant touché par la grande crise, notre enrôlement nous permet d’avoir une activité permanente et de manger à notre faim. Deux cousins se sont également engagés. Très vite, j’embarque pour l’Europe. La traversée maritime est périlleuse car nous sommes continuellement bombardés par les Allemands. J’arrive enfin en Angleterre pour une préparation qui va durer trois ans. A Londres, j’intègre un régiment anti-aérien pour défendre la ville et éliminer les avions allemands qui larguent des bombes.

Des bateaux à perte de vue


6 juin 1944, le Débarquement des Alliés en Normandie commence. Mon tour arrive le 10 juillet. On a embarqué sur des bateaux, on descend la Tamise jusqu’à Douvres, puis Calais, on longe les côtes normandes pour enfin débarquer à Graye sur Mer avec le 4e Régiment d’artillerie de la 2e Division canadienne. On était préparés, cela faisait trois ans qu’on attendait ça. Mais je suis quand même étonné par tous ces bateaux à perte de vue, par toutes ces jeeps, ces canons, ces camions sur les barges de débarquement et qui tournent autour des bateaux. Notre mission avec les armées américaines et britanniques des autres secteurs est de faire reculer les troupes ennemies pour les encercler. Je me souviens d’un village près de Bayeux, Hubert-Folie, que nous avons traversé et qui était en feu. Ce sont des images qui marquent.

Elzéard Bouffard de retour chez lui au Canada.


Bombardés par les Américains

Le 8 août, nous avons été bombardés par les Américains qui nous ont confondus avec des troupes allemandes. Parmi, les deux cents victimes canadiennes, j’ai perdu un ami, engagé comme moi. En août, mon régiment participe à l’encerclement de la poche de Falaise, Trun, Chambois, Cintheaux, cette tragique « vallée de de la mort », ainsi que nous, les Canadiens, l’appelions. La libération de l’Europe se poursuit en Belgique, aux Pays-Bas. Pour moi, les combats se finissent en Tchécoslovaquie où nous décidons d’offrir nos camions. Je profite d’une de mes permissions pour découvrir Versailles et Paris. Je suis rentré ensuite au pays sur le Queen Elizabeth pour reprendre une vie civile, une vie normale. Je ne suis jamais retourné en France, trop de morts… »