Gerhard Richter et les élèves du Lycée Alain d’Alençon


Gerhard Richter, soldat allemand, a vécu de belles rencontres en Normandie en 1940. L'annonce du Débarquement, alors qu'il est sur le front russe, sera pour lui un signe d'espoir.

Roumanie, 1944 : Gerhard Richter, 29 ans, participe dans sa section de logistique, à la retraite de l'armée allemande sur le front de l'est. En juin, il y rencontre par hasard son frère, Werner, engagé dans un département de renseignements. Celui-ci lui annonce son déplacement vers l'ouest en raison d'un Débarquement imminent. L'opération Overlord soulève auprès des soldats non nazis un véritable espoir : « C'était pour nous, soldats allemands, une grande joie que la guerre puisse prendre fin depuis l'ouest ! »

L’auberge de Fécamp où Gerhard Richter
logea en 1940.
Une boîte de dominos…

Les combats de Normandie réveillent en lui les bons souvenirs de 1940. Il y a séjourné à partir du 20 juillet. A la fin de la campagne de France, il réside un mois à Fécamp, hébergé avec un autre soldat dans une auberge, qui sera son havre de paix durant cette guerre : « Une expérience formidable avec une famille française. Tous les soirs, les volets clos, nous discutions avec Monsieur Joseph et Madame Marguerite jusque très tard, à refaire le monde. » Ces échanges leur font réaliser qu’ils ont de nombreux points de convergence, partageant en particulier les valeurs de la démocratie. « En partant, nous avons reçu une boîte de dominos avec lesquels je joue toujours. Mes souvenirs de la Normandie, de Fécamp et de ses habitants sont restés gravés dans ma mémoire. » Revenu sur les lieux après la guerre, il aura la tristesse de découvrir que l'auberge a été détruite lors des combats.


Gerhard Richter en 1943.
Le prix à payer pour se libérer du nazisme

La « joie » soulevée par l'annonce du Débarquement est bien vite assombrie par la nouvelle de la perte de son frère. « Un chasseur américain a détruit l'ambulance de la Croix-rouge qui l'emportait, blessé, à l'arrière du front normand. Son corps a été déchiqueté, il ne subsistera de lui que la plaque métallique que porte tout soldat. » Un mois plus tôt, son autre frère avait déjà disparu dans des circonstances dramatiques. « Ma mère avait appris son décès presque en direct en écoutant la BBC : on y annonçait que son sousmarin avait été coulé. Après guerre, les Allemands de ma génération ne parlaient jamais de cette période : c’était trop de souffrances. »
La bataille de Normandie représente le prix à payer pour se libérer du nazisme. Gerhard Richter a su dépasser la douleur pour considérer que l'atrocité de ces combats renforce son plaidoyer pour la paix et la construction européenne. Six ans avant la construction du mur de Berlin, il fuit la RDA, témoignant ainsi de son engagement contre tous les totalitarismes. Vivre à l’ouest lui permettra aussi de revenir souvent en Normandie « avec une douzaine d'élèves du lycée dans lequel j’enseignais. Nous passions chaque année trois semaines à entretenir les cimetières allemands. C'était pour moi un devoir envers mon frère. »