John Majendie et les élèves du Lycée Laplace de Caen


John Majendie a mis le pied en Normandie quelques jours après le Jour-J. À la tête d'une équipe de six hommes, il s’est illustré au cours de l’Opération Jupiter, pour la Libération de Caen. Un plaidoyer pour la paix.

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans l’armée ?
Dans ma famille, il y avait des soldats, notamment mes deux oncles. Mais surtout dans l'armée, avant la guerre, il y avait beaucoup de chevaux et j'ai toujours aimé faire de l’équitation. Les 12 mois passés à l’école militaire de Sandhurst ont été merveilleux.

Quand avez-vous débarqué en Normandie avec votre unité ?
Je n’ai pas débarqué le 6 juin. Mon bataillon, le « 43e Wessex Division », n’est arrivé que le 20 juin. Lorsque nous avons posé le pied sur la plage d’Asnelles, près du port artificiel Mulberry, j’étais enthousiaste. J’ai été frappé par le nombre de navires et d’avions endommagés et par les ballons de barrage au-dessus de nous. À ce moment-là, je n’avais pas peur. Il n’y avait pas de bombes, c’était calme.

L’Opération Jupiter, stratégique pour la bataille de Caen, a été plus difficile ?
 Les combats ont débuté le 10 juillet 1944, sans atteindre l’objectif prévu. Sur les 830 hommes de mon bataillon, 525 ont été blessés ou tués ce jour-là. 70 furent tués dès le début de la bataille. Quand un soldat était tué, on plantait un fusil avec son casque posé dessus, à l’endroit où il reposait. Le groupe que je commandais devait établir les quartiers généraux du bataillon. J’avais cinq hommes avec moi : mon ordonnance, trois sapeurs du génie et un soldat. Finalement, un fut tué et deux autres blessés. Ce n’est que le 4 août que la côte 112 a été dégagée.

Quelles sont les images qui vous ont marqué ?
Je me souviens surtout du bruit des obus, des bombes, des véhicules détruits, des corps, des blessés, de la fumée… Les conditions étaient très difficiles : peu ou pas d’hygiène, des repas toujours composés de conserves. Heureusement, le courrier de notre famille nous remontait le moral. Surtout, les prisonniers allemands nous renvoyaient notre propre image, celle de jeunes hommes perdus, dominés par la peur.

Live in peace

John Majendie durant l’été 1945.
Que ressentez-vous aujourd’hui, 70 ans après ces événements ?
Je n'ai pas de haine envers les Allemands que je ne confonds pas avec les nazis. Les autres étaient soldats, nous étions soldats. Ils étaient sales et sentaient mauvais comme nous. Ils avaient peur comme nous.

Avez-vous un message à adresser aux jeunes ?
Live in Peace. C’est le message que j’adresse sans hésiter aux jeunes générations. Quand j'étais à l'école militaire avant la guerre, on m'avait dit « un bon Allemand est un Allemand mort ». Mais dès que je suis arrivé en France, je n'ai ressenti aucune haine envers les Allemands. Après la guerre, à Bayeux en juillet 1989, j'ai même rencontré certains de ceux contre qui j'ai combattu. Revenir en Normandie m’a aidé à me remettre.

Quelles relations avez-vous avec la Normandie ?
Je reviens en Normandie tous les ans depuis 1949, je ne peux pas expliquer pourquoi. La première fois, nous nous sommes rendus à vélo avec ma femme sur la côte 112. Quand nous étions ici, la situation était vraiment horrible, mais maintenant la Normandie est si paisible. Revenir ici m'aide à me remettre.