Herbert Levy et les élèves du Lycée Sivard De Beaulieu de Carentan


Herbert Levy débarque, avec les autres membres du Génie de l’air, le 10 juin 1944 à Utah Beach, deux semaines avant le reste de son Bataillon. Ils ont pour mission de construire des pistes d’atterrissage d’urgence. Pourtant, avant de pouvoir s’y consacrer, il va errer au coeur du chaos, de tâche en tâche. Une en particulier va lui retourner l’estomac.



« Début mai 1944, ma compagnie a été envoyée dans un camp sécurisé où nous devions faire des maquettes de ce que nous pensions être les plages du débarquement. Nous étions complètement isolés de nos camarades qui faisaient des choses similaires ailleurs, ce qui fait qu’on a jamais vu l’ensemble des pièces assemblées. Chaque groupe avait « sa » plage à construire, et dans mon cas, ce fut celle d’Utah Beach où nous allions débarquer. Naturellement, on ne le savait pas encore. Ce n’est que le 2 juin, quand on a fait monter les troupes rassemblées dans les camions que nous avons réalisé que le Débarquement était imminent. J’ai alors écrit quatre lettres en les pré-datant et je les ai confiées à quelqu’un qui les posterait pour moi de façon à ce que ma famille ne sache pas que j’avais débarqué en France.

« C’était vraiment irréel. »

Le 6 juin au matin, nous avons entendu les hauts parleurs hurler que le Débarquement était en cours. Nous avons embarqué deux jours plus tard. La traversée pour arriver en France a duré une nuit. Pour des raisons que je n’ai jamais sues, nous avons été retenus en mer et ce n’est qu’à J+4 que j’ai posé un pied sur la plage. Peut-être que dans cette invasion où beaucoup de choses ne se passaient pas comme prévu, on ne savait plus trop quoi faire de nous... Toujours est-il que nous avons passé une journée à Utah Beach, sous les bombardements, sans être blessés. Nous avons vu des bateaux être coulés. Pour certains d’entre eux, c’étaient volontaire, afin de créer un port artificiel. C’était vraiment irréel.

« Du calva pour s’endormir »

Herbert Levy en 1942.
Avec sept autres camarades, nous avons d’abord été recrutés par « le Service des tombes » non pour rassembler les corps mais afin de les préparer pour les enterrements. J’ai vomi durant deux jours et j’ai dû boire beaucoup de Calvados pour m’aider à m’endormir le soir. Puis, ils n’ont plus eu besoin de nous et nous sommes repartis à pied vers une destination inconnue.
Nous avons été ensuite récupérés par la 326e qui avait besoin d’aide pour construire un pont au-dessus de la Douve près de Carentan. Ils l’avaient déjà construit deux fois, mais il s’écroulait dès qu’un camion tentait de le franchir. Quand ils ont su que j’étais aussi artificier, ils m’ont envoyé chercher les mines pour frayer un chemin. Après, on l’a remonté de nouveau, cette fois, il a tenu. Mi-juillet, enfin, nous avons construit en très peu de temps, 26 pistes d’atterrissage en Normandie.
Ce n’est qu’en arrivant près de Saint-Lô que nous avons trouvé de quoi nous loger et dormir sous un vrai toit. Je me souviens que j’étais là-bas quand nous avons appris l’attentat contre Hitler. Malheureusement il a échoué. Etant moi-même juif, conscient des persécutions antisémites des nazis, tous ces événements avaient une résonnance singulière bien que, pour ma part, j’ignorais alors l’existence des camps d’extermination. 
Les 24 et 25 juillet,, nous avons été témoins de terribles bombardements sur Saint-Lô qui était une position déterminante. La fumée tournoyait sans cesse au-dessus de nos têtes, nous comptions les avions. Il y en avait tellement que des bombardiers touchés par la DCA allemande s’écrasaient sur d’autres qui volaient plus bas. Dans les airs, sur terre, c’était le chaos partout. Quelque chose de jamais vu auparavant. »