Ted Thurston et les élèves du Lycée Alexis De Tocqueville de Cherbourg et Saint Edward’s School de Poole (Grande-Bretagne)


Engagé volontaire à 17 ans, Ted Thurston s’est battu comme tireur d’élite, des côtes normandes jusqu’à la Baltique, en passant par Bergen Belsen. Une mission très spéciale qui ne fut pas sans laisser de traces dans l’âme de ce héros d’outre-Manche…

 « J’étais engagé volontaire pour sept ans parce que je ne pensais pas que la guerre durerait aussi longtemps et que j'aurais l'occasion de voir l'Allemagne en temps de paix ». Ted Thurston s’engage en 1943, à l’âge de 17 ans, et vivra finalement outre-Rhin jusqu’en 1952, avec les troupes d’occupation. À ses débuts, ce fils d’imprimeur londonien est mystérieusement affecté au sein de la 15e Division écossaise, dont les hommes sont généralement recrutés dans les régions de Glasgow, Manchester et Liverpool. « C'était un très bon régiment de combat, bien qu'on ne se comprenne pas la plupart du temps, mais on s'entendait bien » observe-t-il non sans humour.

Premier combat, premier calvaire

Ted Thurston en 1943.
Pour avoir mieux tiré que les autres sur des boîtes de conserve au cours des premiers entraînements, Ted Thurston va été formé comme tireur d’élite. Aussi simple que ça pour une mission spéciale. Outre la précision, il apprend à choisir ses cibles : « de préférence des officiers, car cela désorganisait le camp d’en face. J'avais un second qui était observateur, c'est-à-dire qu'il me disait comment corriger mon tir. Après deux ou trois tirs, nous changions de position, pour ne pas être repérés ». Après un entraînement qui consistait surtout à tirer sur des boîtes de conserves, il débarque le 8 juin 1944 sur les côtes normandes et rejoint à marche forcée le village de Cheux : « 140 pas à la minute, avec tout l’équipement. »
Il vient d’avoir 18 ans et vit son premier combat, ses premiers morts. « Ce fut ainsi pendant 11 mois de combats presque continus. » C’est aussi son premier contact avec la Normandie : « Dans une ferme, une énorme barrique de Calvados de 2 000 litres. Délicieux ! On a vidé l’eau de nos gourdes pour les remplir de Calva. Mais quand vous devez vous raser avec du Calvados à la place de l’eau, ce fut douloureux le lendemain matin ! »

« Cela vit avec moi tout le temps. »

L’ancien « sniper » refuse d’évoquer le nombre d’hommes qu’il a pu tuer, et préfère raconter d’autres aspects de la guerre. Comme ce soldat allemand qu’il a épargné parce qu’il faisait ses besoins. Ou cet autre qu’il a secouru, lors d’un répit dans le combat, en lui posant un garrot autour de la jambe gravement blessée. « Comme le membre devient mort si un garrot est laissé plus de 20 minutes, j’ai écrit l’heure approximative sur son front, avec de la boue. Les brancardiers sont venus plus tard, et j’ai appris qu’il avait survécu ». Par la suite, Ted Thurston combattra en Belgique, en Hollande, jusqu'à la mer Baltique, en passant par les Ardennes et l’Allemagne.
Là, stationné avec sa compagnie près du camp de concentration de Bergen Belsen, il a une vision d’horreur : « À l’extérieur, un prisonnier s'était échappé et avait été tué d'un tir dans la tête. De l'herbe lui poussait au travers du crâne. Cela vit avec moi tout le temps ». Comme il n’oubliera jamais non plus ‘‘le chaos absolu des combats avec les tirs continus des mortiers, des mitrailleuses. Pendant des heures et des heures, et des jours et des jours. Tout cela était très traumatisant’’. »