James A. Huston, Henry G. Morgan et William C. Notley

James A. Huston, Henry G. Morgan et William C. Notley débarquent à Omaha le 6 juillet 1944, avec la 35e Division d’infanterie américaine. Les trois GI’s participent aux affrontements de Saint-Lô puis de Mortain qui contribuent de façon déterminante à la libération de la Normandie.



Au lycée, j’ai lu Mein Kampf

Durant l’été 1943, la propagande de l’armée américaine contribue à la préparation psychologique de ses soldats à travers notamment la diffusion de films intitulés « Pourquoi nous combattons ? » James A. Huston se souvient : « Ils expliquaient la situation en Europe, les agissements des nazis et l’occupation de la France. Au lycée, j’ai lu « Mein Kampf » et j’ai compris que quelque chose d’horrible arriverait dans le monde si les nazis continuaient. Jusqu’à Pearl Harbor, il ne me semble pas qu’on parlait beaucoup de la guerre mais tout le monde était au courant de ce qui se passait en Europe… »

Comme une retransmission de match de football

« Nous nous sommes entraînés à différents endroits aux Etats-Unis et notamment dans les montagnes du Tennessee. On s'entraînait pour nous habituer à ce que serait la guerre. » William C. Notley et ses frères d’armes participent aux manoeuvres de l’hiver 1943 puis à un entraînement au printemps 1944 ainsi qu’à l’initiation au maniement des mortiers et des mitrailleuses. Le départ de la 35e Division d’infanterie pour l’Europe est imminent.
Les GI’s de la 35e Division prennent la direction du sud de la Grande-Bretagne le 12 mai 1944, jour du 24e anniversaire de « Hank » Morgan. Ils arrivent en Angleterre le 25 mai. Là ils reçoivent une formation supplémentaire mais ne débarqueront en Normandie qu’un mois après le jour J.
Le 6 juin 1944, il est donc outremanche. Suspendu à la radio britannique, il suit en direct les opérations du D-Day. «…J'étais en compagnie de quelques officiers de notre unité. Nous étions assis confortablement en train de prendre notre petit déjeuner, au chaud et en sécu-rité. Il y avait des haut-parleurs tout autour de la pièce, c'était quasiment comme une retransmission de match de football parce que le service radio britannique et celui de l'armée américaine retransmettaient tout cet enfer qui se déroulait à moins de 160 kilomètres de nous à vol d'oiseau. C'était bizarre…» 
Henry Morgan poursuit : « Nous sommes montés sur les bateaux le 4 juillet, vous savez ce qu'est le 4 Juillet en Amérique ? Le jour de l'indépendance. Pour nous, ce n'était pas la plus joyeuse fête nationale car nous partions pour Omaha Beach. Nous sommes arrivés sur la plage le 6. »
Dès le 11 juillet, la division s’engage dans les combats pour la prise de Saint-Lô, aux côtés de la 29e Division d’infanterie qu’on appelle les « Blue and Grey ». Sa dernière grande bataille se fera dans les environs de Mortain.
« Nous lui avons donné nos barres de chocolats. »
Les contacts avec les Français sont rares, ceux-ci étant peu nombreux aux abords du front, toutefois, « Bill » Notley se remémore sa première rencontre avec la population civile : une fermière qui lui offre le gîte et le couvert. « Nous avons passé la première nuit dans la ferme. Au petit déjeuner, nous lui avons donné nos « D bars », des barres chocolatées, elle les a mises dans le lait de la ferme et nous avons eu de délicieux chocolats chauds. »
Les combats pour Saint-Lô sont une épreuve du feu particulièrement difficile pour les GI’s de la 35e Division d’infanterie, appelés en renfort de la 29e qui luttait jour après jour depuis le 6 juin et épuisait ses réserves dans la bataille. Ils parviennent à refouler plusieurs contre-attaques ennemies avant d’entrer dans la ville le 18 juillet. L’officier Henry Morgan n’a pu « qu’entrevoir les ruines de Saint-Lô tout au long des combats. Nous avons passé deux semaines, étape après étape, à nous approcher de la ville. »

« C’était comme voir le diable en personne. »

James Huston, à droite, en 1944.
« Bill » Notley, lui, reste profondément marqué par la capture d’un mitrailleur allemand. « Ce fut probablement le moment le plus effrayant de ma vie. Croyez-moi, c'était comme voir le diable en personne. La situation tactique était simple : à un endroit, avant Saint-Lô, un mitrailleur allemand, probablement le dernier de son unité, couvrait un carrefour avec son arme et empêchait toute progression de notre compagnie. Nous avons grimpé une petite colline en nous faufilant sur l’angle et en profitant des haies qui nous couvraient. Mon premier tireur, Ruben, qui était juif, était à côté de moi. Nous avons pris la position et Ruben a proposé une cigarette au prisonnier. Comme ce dernier ne le comprenait pas, Ruben lui a parlé en yiddish. Cela a suscité une réaction de haine sur le visage du prisonnier, d’une ampleur telle que je n’en ai jamais revu de ma vie. C’était un vrai nazi. Savoir que quelqu’un pouvait être effrayé juste parce qu’il entendait parler un juif : je n’ai jamais pu oublier ça ! » L’Allemand sort son arme contraignant Ruben à la riposte. « Cet homme aurait pu être sauvé, il aurait pu être envoyé à l'hôpital. Il a fait quelque chose de stupide. Il a essayé de nous tuer et nous avons dû le tuer. »


« Merci de nous avoir sauvé la vie. »

Du 7 au 13 août, le 35e Division combat aux alentours de Mortain pour repousser l’opération Lüttich, la dernière contre-attaque allemande de la campagne de Normandie. Elle a notamment pour mission de sécuriser le corridor entre Mortain et Avranches, afin de soulager le 30th Infantry Division quasiment encerclée par les Allemands. La bataille de Mortain est, après celle de Saint-Lô, celle qui coûte le plus cher en vies humaines à la 35e Division d’Infanterie. Henry G. Morgan et « Bill » Notley ont de multiples souvenirs des affrontements de leur compagnie qui combattait aux côtés des tanks du 737e Bataillon pour repousser la contre-attaque allemande depuis le 8 août. La situation devient critique le 10 août, les fantassins et les tankistes refluant, blessés, vers les postes de secours, tandis que les troupes valides se replient. Le lieutenant Morgan est obligé de se mettre en travers de la route, criant, hurlant des ordres pour enrayer la débandade des GI’s de son unité, et finit par reconstruire une ligne de défense effective le long de ce chemin. Le 13 août, après plusieurs jours et nuits d’affrontement, Henry Morgan, épuisé, est renvoyé à l’arrière pour être enfin soigné.
« Hank » Morgan se souvient de cet épisode qui met un terme à « sa » bataille de Mortain, alors que les combats semblent finis. « Le matin suivant, trois de mes soldats sont venus me voir et me dire : "Nous voulons juste vous remercier de nous avoir sauvé la vie la nuit dernière." C’est certainement mon meilleur moment et celui qui me rend le plus fier ! »