Janine Boulanger et les élèves de la classe de 1re ES du Lycée Émile Littré d'Avranches

En 1939, Janine Boulanger est à Londres pour un séjour linguistique de deux mois. Elle y restera cinq ans. Dès décembre 1940, elle fait partie des 60 premières femmes engagées dans les Forces Françaises Libres. A seulement 17 ans…
 

Quelles étaient vos motivations ?
L'étincelle a été le 14 juin 1940 lorsque les nazis ont défilé à Paris sur les Champs-Élysées, cela m’a noué le ventre et le coeur. Très vite, Pétain est devenu notre ennemi. Le 19 juin, j’ai pris connaissance
dans les journaux de l'Appel du Général de Gaulle, j’ai décidé d'écrire à l'adresse indiquée. J’ai triché sur mon âge, me suis vieillie de deux ans, et j’ai intègré le corps des Volontaires Féminines le 5 décembre 1940. Avant, j’avais rejoint la Croix Rouge britannique pour soigner les blessés dans les hôpitaux. Avec notre jeunesse, on avait l’impression qu’on allait tout bousculer. Je me suis engagée
sans réfléchir, ça m'a paru naturel. Avoir mon mot à dire m'a permis de me sentir libre.

Quel était votre rôle dans les FFL?
J'ai d'abord été affectée dans l'Etat-major de la Marine comme hôtesse, j'ai aussi distribué du courrier, puis j'ai suivi un stage de conductrice pour voitures et camions. J'ai transporté les amiraux Muselier et d'Argenlieu. On ne prenait jamais le même chemin car il y avait sans cesse des bombardements qui visaient les bateaux sur la Tamise. Un jour, je conduisais l’Etat-major ; le lendemain, c’était le ravitaillement pour les civils. Il m’est même arrivé de conduire le Général Koenig. Dans ces cas-là, on a toujours une oreille discrète, on entend plein de choses qu’il ne faut pas répéter sur des missions
qui vont avoir lieu.

Avez-vous eu des moments de doute ?
Non, Hitler avait été trop loin. Et puis les Allemands eux aussi souffraient, je ne parle pas des nazis, mais des Allemands. D’ailleurs, après la guerre, je me suis réjouie de la réconciliation et du rapprochement francoallemand : il devait se faire.

" J’ai appris à être soldat avec des Anglaises. "


Comment les Anglais jugeaient-ils les Français?
Les Anglais étaient très accueillants, voire même amicaux. On nous invitait souvent à dîner. Le 14 juillet, nous avons été applaudis pendant le défilé. Quant à Churchill et de Gaulle, ils se respectaient malgré leurs quelques querelles. Par contre je me souviens qu’en 1940 quand Pétain a signé l’Armistice, un « bobby » est venu chez ma directrice de pension pour lui signaler qu’elle hébergeait une ennemie de la patrie… J’ai appris à être soldat avec des Anglaises. Souvent, dans des salons de thé où nous allions goûter, notre consommation était réglée par des civils. Quand on nous voyait
avec nos uniformes et l’écusson France sur l’épaule, on nous applaudissait.

Quelle a été votre perception du Débarquement ?
Je savais qu'il se préparait. A partir de 1943, les Britanniques ont été envahis par les Américains. C’était parfois invivable, certains se croyaient vraiment tout permis. De nombreuses autres nations étaient représentées à Londres ou dans la campagne environnante. On sentait que les préparatifs s’intensifiaient. Comme tout le monde, je n'ai connu le lieu que le 6 juin 1944. En l’apprenant, j’ai sauté de joie. Je tiens aussi à souligner le rôle de la Résistance en France. En commettant
de nombreux sabotages, elle a permis de retarder la remontée des troupes allemandes
en Normandie. Cela a été énormément bénéfique pour les troupes alliées dans les jours qui ont suivi le Débarquement.