Jean Mignon et la classe de 1re Techniciens d'usinage du lycée Curie de Saint-Lô

Dans la soirée du 6 juin, Jean Mignon et sa soeur s’amusent à compter les avions dans le ciel saint-lois. Soudain le ciel se remplit de points noirs. Quelques minutes plus tard, ils voient flamber leur ville.

A 7h30, le 6 juin, Jean Mignon, enfant de choeur, est à l'église Notre-Dame de Saint-Lô. Le sacristain l'avait salué ainsi : « Tu as vu Mignon, c'est bon : c'est le Débarquement ! » Pendant la messe, il n'a pas été très attentif : « J'avais les vitraux devant moi, je ne les voyais pas vibrer mais je les entendais trembler... » L'apercevant plus tard en ville, le boulanger s'exclame : « Mais Mignon, qu'est-ce que tu fous là, tu devrais être chez toi ! » D'autres personnes alertent ses parents : « Ne restez pas là, si vous voyiez ce qui s'est passé en ville... partez, partez ! » Ses parents n'ont pas voulu quitter leur maison. Par chance, ils habitent une des rares rues épargnée par les bombes...

« Je vis la ville flamber d'un bout à l'autre. »


Un deuxième bombardement a lieu le soir-même. Comme d'habitude, Jean Mignon et sa soeur s'amusent à compter les avions qui passent : « Il faisait beau, le six au soir. On les voyait très bien briller dans le soleil. Des points noirs sont apparus tout à coup. Avant de les voir se détacher je ne savais pas que c’étaient des bombes. » Les avions lâchaient des bombes et repartaient. Les bombardements ont duré deux minutes, le calme est revenu ensuite. Il voit alors « monter le long de la rue comme un nuage orangé », ce sont les incendies qui se sont déclarés en ville. La famille part finalement à la campagne dans une zone proche des combats et y restera un mois. Jean Mignon y rencontrera des soldats américains. Et c'est une découverte : « Un convoi, des jeeps... » Un soldat lui tend un chewing-gum : « Je ne vois jamais un chewing-gum, même encore aujourd'hui, sans penser à cet Américain dont je n'ai jamais su le nom. Il a peut-être été tué au front, qui sait ? »
 
Jean Mignon pendant la guerre.
« Ils ont lâché « ça » comme ça ! »

A 83 ans, Jean Mignon revient sur ses souvenirs d'enfant avec modestie : « Le gamin que j'étais entendait dire beaucoup de choses, il regardait les gens, mais il ne saisissait pas vraiment ce qu'il vivait. » Il reconnaît avoir eu de la chance, se rappelle ses quatre copains morts pendant les bombardements. Ces souvenirs restent douloureux : « Saint-Lô, vu à 2 000 mètres d'altitude, c’était quelque chose qui devait faire tout petit ! Et ils ont lâché « ça » comme ça... ». Mais il prend aussi plaisir à voir resurgir des sensations anciennes, telles que l'odeur des bâches des camions de l'époque : « Je me mets à côté, je ferme les yeux, j'ai 14 ans. » C'est vers 40 ans que Jean Mignon s'est penché sur les événements qu'il a vécus : « Alors je me suis plongé là dedans et je n'en suis pas sorti ».