Raymond Nicolay et les élèves de Terminales Arcu et Commerce du Groupe FIM de Cherbourg


Raymond Nicolay est le dernier survivant d’un groupe de 32 jeunes d’Agon-Coutainville engagés dans la 2e Division blindée. Il revient sur « sa » guerre, depuis le Débarquement jusqu’à la démobilisation.

Le débarquement des Alliés

« J’étais drôlement content. Je n’étais pas sur cette côte-là. De toute façon, il ne fallait pas aller voir : selon les témoins, c’était une horreur. Ils parlaient d’une mer rouge sang, comme colorée à la peinture. Ensuite, j’ai rencontré la 2e Division blindée du Général Leclerc, pour laquelle je me suis engagé aussitôt avec 32 autres camarades d’Agon-Coutainville.

Je voulais venger la mort de mon frère

Mon frère aîné avait été tué en Afrique par les Allemands, et je voulais le venger. Mon père avait fait la guerre de 14-18 et en était revenu en mauvais état. Il m’a donné son accord, et je suis parti avec mon petit frère, plus jeune que moi d’un an et demi, et nous sommes revenus tous les deux. J’aime mon pays, je l’aime énormément. Je pensais que c’était ce qu’il fallait faire. S’il fallait recommencer pour le sauver, je crois que je recommencerai.

Raymond Nicolay et ses compagnons de la 2e DB.
La 2e DB

Quand je me suis engagé, on ne m’a pas demandé ce que je savais faire ; ils manquaient un peu de personnel. J’ai su plus tard que j’étais engagé dans l’artillerie. Il s’agissait de chars équipés de canons de 75 mm. C’était vite fait : je suis arrivé l’après-midi, j’ai été habillé, armé et mis sur la jeep, alors que je ne savais pas conduire ! Nous sommes restés au milieu du département pendant trois jours, avant de descendre. Les Américains ont pris la Bretagne, et nous sommes partis vers Paris. C’était une aventure extraordinaire. Je n’ai vu le Général Leclerc que deux fois, mais pendant la guerre, il nous suivait comme un papa suit ses enfants.

La 2e DB pénètre dans Paris. La foule s’est massée pour acclamer les Libérateurs.
© Mémorial du Maréchal Leclerc de Hauteclocque
et de la Libération de Paris et Musée Jean Moulin.
La libération de Paris

La libération de Paris a été le plus beau jour… et la plus belle cuite de ma vie ! Les gens pleuraient. Les Parisiens ne savaient pas quoi faire et nous donnaient à boire, mais heureusement j’ai pu m’arrêter à temps. Avant cela, c’était une guerre permanente parce qu’il a fallu faire sortir les Allemands de leurs bureaux. Ça ne s’est pas passé tout seul, il y a eu des morts des deux côtés mais, heureusement, ça n’a pas duré longtemps. L’officier allemand a été assez intelligent pour ordonner à ses hommes d’arrêter et de se rendre.

Le « nid d’aigle » d’Hitler

On est allé sur Bordeaux car beaucoup d’Allemands partaient de là pour l’Amérique du Sud. Puis on est allé en Allemagne, où j’ai participé à la prise du « nid d’aigle » d’Adolf Hitler, à Berchtesgaden. Il y avait une cave avec des bouteilles comme jamais je n’en avais vu ! Encore une fois, on en a bu beaucoup.

Le dernier survivant

Les Allemands ont failli me tuer à Strasbourg. Je me suis retrouvé à l’hôpital, trois de mes camarades ont été tués et mon camion a brûlé ; il n’en restait que des bouts de ferraille. Il y a des bons moments et d’autres, foutrement mauvais. Mes deux derniers camarades sont décédés récemment. Sur les 32 engagés d’Agon-Coutainville dans la 2e DB, je suis désormais le seul survivant. »