Marie-Thérèse Lavieille et les élèves de l’Erea Robert Doisneau de Saint-Lô


Marie-Thérèse Lavieille a neuf ans au moment du Débarquement et a perdu son père deux mois plus tôt. Sa mère vit avec ses cinq enfants dans une petite ferme isolée, à quelques kilomètres de la Haye du Puits. C’est là, à l’aube du 6 juin, que Marie-Thérèse va faire la rencontre d’un homme tombé du ciel.

 « Ce matin-là, je me suis réveillée très tôt, vers six heures. J'avais l'impression que la maison bougeait. J'entendais parler dans la cuisine. C'est là que j’ai vu un homme bizarre en uniforme. Il se tenait l’épaule et disait "broken, broken". Son uniforme avait plein de poches mais il n’était pas comme ceux des Allemands. Son visage était barbouillé, il était immense et portait un casque avec des feuilles.
Il a pris un poignard, il a coupé une poche de son pantalon dont il a sorti du chocolat, c'était Noël ! Cet homme « extraordinaire » dans la cuisine est un parachutiste de la 82e Airborne. Il a dérivé loin de ses objectifs et s’est retrouvé tout seul près de la ferme des Lavieille. « Mon frère l’a vite conduit chez un cousin qui l’a soigné puis caché dans une étable. Ensuite, il a sillonné les routes et retrouvé plusieurs autres parachutistes. Il a ramassé aussi les parachutes pour éviter que les Allemands ne les trouvent.

Marie-Thérèse Lavieille jouant à la guerre
avec ses frères et soeurs durant l’été 1944.
Tout avait été pillé.

Pour fuir les bombardements, la petite famille part se réfugier un peu plus loin chez le cousin. « Ma mère avait peur du bruit, et surtout très peur pour ses enfants. On entendait les obus siffler. Mon frère me disait : ne t’inquiète pas, si tu l’entends cela veut dire que ce n’est pas pour nous ! On a creusé une tranchée et on s’est fait un abri avec des fagots et de la terre qui arrêtaient les éclats d’obus. On était environ vingt-cinq dans l’abri. Mon village a été libéré le 4 juillet. Quand on est rentrés chez nous, il n’y avait plus rien, tout avait été pillé… A côté de chez nous, il y a eu un camp de soldats noirs américains, ils nous donnaient des conserves, tout plein de choses. On a même vu des femmes en uniforme à l’intendance de ce camp. On a appris la fin de la guerre à la radio, mon frère a alors cousu un drapeau bleu, blanc, rouge qu’il a accroché en haut d’un poteau en ciment. Ce fut un grand moment de bonheur. »

Perpétuer le souvenir de ces milliers de soldats venus de l’autre côté de l’océan

Depuis l’an 2000, avec son mari Claude et leur ami le Major Frank Towers, vétéran de la 30e DI US, débarqué à Omaha Beach en juin 1944, ils sont à l’origine de la création de l’Assocation « Les Fleurs de la mémoire ». Le but de cette association est de perpétuer le souvenir de « ces milliers de soldats venus de l’autre côté de l’océan qui sont morts pour notre liberté et ont été enterrés ici ». Chaque membre se voit ainsi confier le soin de fleurir les tombes des soldats dans les cimetières américains de Colleville sur Mer et de Saint-James où reposent près de 15 000 soldats. Un geste pour rappeler, comme le dit la devise des « Fleurs de la mémoire » : « qu’au pied de chaque croix, un soldat repose et ce soldat a sa propre histoire. »