Paul Lerouge et les élèves de terminale CAP Reliure-Sérigraphie du lycée Paul Cornu de Lisieux


Paul Lerouge fut l’un des plus jeunes Résistants français. Il n’avait pas encore 13 ans quand il s’engagea aux côtés de son père.

Janvier 1942. Face à l’occupation allemande, la Résistance s’organise. À Beaumesnil, dans l’Eure, le père de Paul Lerouge – artisan couvreur – et son ami, le capitaine Georges Trumelet, font partie du mouvement Francs-Tireurs et Partisans (FTP).
« Un jour, le capitaine a demandé à mon père si je pouvais transmettre les télégrammes que Mademoiselle Capet, la receveuse des postes, réceptionnait. C’était plus discret que les conversations téléphoniques. Et les Allemands ne se méfiaient pas des enfants. Mon père a accepté. » Voilà comment Paul, 12 ans « et dix mois », devient ce jour-là l’un des plus jeunes Résistants de France. Pour le protéger, on lui donne un surnom : « Petit Pierre ». Paul fait la fierté de ses parents et ses trois frères et soeurs qu’il adore.

« Tu regardes, tu écoutes, mais tu la fermes ! »

La fierté, c’est justement le sentiment qui lui a toujours permis de prendre le dessus sur la peur. « Le courage m’a toujours permis de faire ce que j’avais à faire. » Paul se souvient qu’il se sentait fort. « Parce que j’avais été bien formé. » Avec un principe phare : « Attention ! Tu regardes, tu écoutes, mais tu la fermes ! » Il fallait se taire. « Une parole de travers et c’était la catastrophe. Un jour, quelqu’un a parlé. Il a livré 84 personnes, seulement 40 sont revenues des camps de concentration. » La peur, Paul l’aura éprouvée souvent. Que ce soit celle des Allemands et leurs « coups de pied aux fesses » ou leurs « coups de trique », ou celle des munitions de nombreux chasseurs et bombardiers qu’il aura vu tomber. Parfois tout à côté de lui.

L’arrestation de son père

Paul Lerouge à 15 ans
Son plus haut fait d’armes ? C’est aussi son souvenir le plus douloureux : le jour de l’arrestation de son père. Ce jour-là, les Allemands sont arrivés chez lui, à la recherche des plans des rampes de lancement de V1 qu’il avait volés. Paul – « Petit Pierre » – parvient à les dissimuler, sauvant ainsi la vie de son père et de bien d’autres personnes dans le réseau. La Résistance, c’était ça : « sauver
les gens, les aviateurs, les maquisards, cacher les réfractaires », ces personnes qui voulaient fuir le Service du Travail Obligatoire en Allemagne, notamment. C’était aussi détruire le matériel des soldats allemands.

Des années de silence
La mission de Petit Pierre s’achève le 24 août 1944. Le jour de la libération de Beaumesnil par les Anglais. « Mon père m’a dit : c’est fini pour toi. Tu as risqué ta vie pendant deux ans. On n’en
parle plus.
» De fait, Paul restera longtemps sans évoquer ces années. « Après-guerre, on évitait de parler de la Résistance. » Une façon d’éviter les règlements de compte avec ceux qui avaient collaboré. Même le plus jeune de ses fils n’apprendra cette tranche du passé de son père qu’en 2009, lorsqu’il sera fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Six ans après la fin de la guerre, Paul Lerouge s’installe à Lisieux où l’entrepreneur en bâtiment participe à la reconstruction. « Aujourd’hui, quand on me demande de témoigner, j’accepte volontiers. J’ai même écrit un livre », précise-t-il. Et l’homme de 84 ans de confier : « venir vous raconter ces histoires me rajeunit aussi un peu. »