Roy Dixon et les élèves du Lycée Littré d’Avranches


À 19 ans, le jeune sous-lieutenant Roy Dixon a 20 hommes et quatre chars sous sa responsabilité. Il débarque à leur tête le 7 juin sur la plage de Ver sur Mer. Le lendemain, c’est pour lui le début des hostilités et… des horreurs.
 
Roy Dixon près de Falaise en 1944.
Quels sont vos souvenirs de la préparation du Débarquement ?
 J’avais rejoint mon régiment en février 1944, après ma formation d’officier. Nous étions installés dans des tentes, dans une forêt du Norfolk (sur la côte est de l’Angleterre). C’était très lugubre et il faisait froid. Nous savions que nous allions traverser la Manche, mais sans savoir où, ni quand. Dans le régiment, des soldats avaient déjà combattu en Egypte et en Italie en 1941. Ils n’étaient pas trop enthousiastes à l’idée de se retrouver une nouvelle fois en première ligne. Ce sentiment changea lorsque nous avons été équipés d’un nouveau type de chars (Cromwell) et commencé à comprendre l’ampleur des opérations. Personnellement, en tant que jeune officier sans expérience de la bataille, c’était un sacré défi de gagner le respect et la confiance de ces vétérans. J’espérais simplement que mes années de formation me permettraient de jouer mon rôle efficacement, d’être digne de diriger des soldats si expérimentés.

J’étais surpris qu’ils aient survécus aux bombardements.

Quel était votre rôle justement ?
J’étais sous-lieutenant. Je commandais une troupe de quatre chars avec chacun un équipage de cinq personnes. Le 6 juin 1944, nous avons embarqué sur une des centaines de péniches de Débarquement à fond plat, escortées de navires de guerre et d’immenses ballons. La mer était très agitée et j’ai été si malade durant la traversée que j’ai fini par souhaiter que des Allemands arrivent et nous coulent ! La péniche est arrivée directement sur la plage de Ver-sur-Mer, tôt le matin du 7 juin. L’endroit avait été débarrassé des ennemis par la première vague d’infanterie. Les morts et les blessés avaient été déplacés. J’ai éprouvé un sentiment de surprise et de soulagement. Nous avons immédiatement progressé de quelques kilomètres dans les terres. Nous avons croisé nos premiers jeunes hommes français, trop nerveux pour s’approcher de nous. J’étais surpris qu’ils aient survécu aux bombardements. Nous avons rejoint Ellon, au Sud de Bayeux, puis le bocage, très problématique pour les chars.

Roy Dixon assis sur la tourelle du char en Hollande.
Votre souvenir le plus marquant des événements ?
Le premier jour où j’ai mené ma troupe à l’action, le 8 juin. Un de mes chars a été touché par un tir allemand. Le commandant, un caporal, a été décapité, et le reste de l’équipage blessé et éclaboussé de son sang. Ce fut mon introduction horrible au combat. Dans une troupe de chars, nous étions des compagnons très proches ; nous comptions les uns sur les autres. Nous pensions d’abord à chacun d’entre nous.

N’avez-vous jamais eu peur ?
Quiconque a participé à une bataille et dit n’avoir jamais eu peur est soit un menteur, soit un idiot. J’ai eu peur parfois, mais pour un court moment, dans une situation particulière. Bien sûr, il y avait des situations où les hommes perdaient complètement leur sang-froid, souvent après plusieurs mois ou années de combat. Quand ils étaient véritablement mal, ils étaient généralement traités avec compassion par les autorités et affectés à d’autres tâches.

Parliez-vous entre vous de vos sentiments lorsque vous aviez été amenés à tuer un ennemi ?
Ce n’est pas un sujet dont nous parlions beaucoup entre nous. Quand nous tirions sur des soldats ennemis, nous le faisions de façon impersonnelle comme une tâche qui nous avait été donnée, et une nécessité qui nous permettrait d’atteindre notre but. Nous pensions rarement que nos tirs allaient blesser ou tuer, si nous avions ressenti une telle compassion, nous n’aurions probablement pas été capables d’accomplir ce que nous considérions comme notre devoir. Mais c’était peut-être plus facile pour nous qui étions dans des chars. C’est difficile d’en parler encore aujourd’hui car pour les plus jeunes ce n’est que de l’histoire.